La nuit disparait, peu à peu. Derrière cette punchline un peu racoleuse se cache en réalité un constat peu flatteur. Aveuglée par la lumière des villes, repoussée aux régions les plus isolées du globe, la nuit « noire » perd du terrain avec une progression constante de l’éclairage artificiel (+2,2% par an depuis 2012).

Selon le nouvel atlas mondial de la pollution lumineuse lancé en grande pompe en 2016, 80% de l’humanité vit sous des cieux inondés de lumière artificielle, et un tiers de la population mondiale ne peut jamais voir la Voie lactée. Les retombées sont dramatiques, à la fois pour l’Homme (perturbation de l’horloge biologique), la faune (animaux nocturnes déboussolés), la flore (inhibition de la dormance) et l’environnement (énergie nécessaire à la production de cette lumière).

Face à ce fléau insidieux et peu médiatisé, les éclairages LED font office de bouée de sauvetage pour certains. Qu’en est-il vraiment ?

La pollution lumineuse : des conséquences protéiformes

Il est particulièrement laborieux de faire preuve d’exhaustivité lorsqu’il s’agit d’énumérer les conséquences de l’exacerbation de la pollution lumineuse. Il faut dire que la littérature scientifique en la matière reste limitée, même si les travaux se sont multipliés depuis un peu plus d’une décennie. La typologie des retombées est plurielle car en dehors des conséquences sanitaires et environnementales, il faut composer avec des perturbations d’ordre astronomique, esthétique, etc.

Aujourd’hui, 11 millions de points lumineux (lampes et lampadaires) et 3,5 millions d’enseignes éclairent l’Hexagone, et ce nombre augmente sur une base quasi-quotidienne… on est donc dans un phénomène de fond, loin de la tendance éphémère.

#1 Les retombées sur la santé

Plongée dans un crépuscule permanent, la population urbaine voit son horloge biologique se dérégler car la luminosité « archaïque » inhibe la sécrétion de mélatonine, l’hormone de la régulation du rythme circadien. Résultat : les troubles du sommeil font leur apparition (insomnie, hypersomnie, somnolence diurne), les sauts d’humeur se multiplient, le stress et l’anxiété entament la qualité de vie et le risque de dépression augmente.

Certaines études (notamment celle du Cégép de Sherbrooke) suspectent un lien entre le niveau de l’éclairage artificiel extérieur et certains types de cancer, notamment celui de la prostate. D’autres conséquences comme l’obésité et le diabète sont suspectées par le rapport de l’université d’Aberdeen publié en 2012. Notons que le LED a fait son entrée dans la sphère médicale depuis plusieurs décennies, notamment dans la luminothérapie à visée physiologique et esthétique (voir lumino-therapie.fr).

#2 Les retombées sur l’environnement, la faune et la flore

Les visites des insectes nocturnes sur un site éclairé artificiellement diminuent de 60%. C’est ce qu’a démontré une étude inédite à propos de la menace de la pollution lumineuse sur la pollinisation (chercheurs de l’Université de Berne de concert avec le Centre d’écologie et des sciences de la conservation de Paris).

A la destruction des habitats, aux changements climatiques, à l’usage abusif des pesticides et à l’agriculture intensive s’ajoute désormais l’éclairage nocturne archaïque. Résultat : moins de pollinisation (-60%) et baisse de la production de fruits (-13%) sur chaque espèce de plante sur-éclairée. D’un autre côté, l’électricité destinée à l’éclairage représente plus de 15% de la consommation mondiale d’électricité et est responsable de 5% des émissions de gaz à effet de serre.

Et quand on sait qu’une métropole comme Bordeaux est « inutilement éclairée à hauteur de 70% » selon l’ANPCEN, on comprend l’ampleur de la problématique. Notons enfin que des centaines de milliers d’oiseaux migrateurs périssent chaque année en raison d’une désorientation conséquente à l’impossibilité d’observer le ciel étoilé pour migrer.

#3 Les retombées sur l’observation astronomique

C’est une conséquence peu médiatisée, mais elle n’en reste pas moins problématique. En moins de 50 ans, les Français se sont privés de la beauté de la Voie lactée, mais aussi de la vue de plus de 90% des étoiles. Les astrophysiciens et autres astronomes amateurs dénoncent cette « privatisation » du ciel dont l’observation devient l’apanage de ceux qui disposent d’un équipement lourd et coûteux.

#4 Le problème de l’îlot de chaleur

Une chaussée éclairée présente une température ambiante supérieure d’un degré comparativement à une route non éclairée. Le sur-éclairage est donc un facteur non négligeable de l’accentuation du fameux îlot de chaleur urbain.

L’option du LED à la maison : un bon début…

La lampe à LED ou à diode électroluminescente, longtemps considérée comme une solution de choix à la problématique de la pollution lumineuse, ne fait plus l’unanimité, mais reste une option viable pour l’éclairage interne en remplacement des ampoules halogènes peu efficaces. Si les 80 millions d’ampoules halogènes achetées en France en 2012 avaient été des LED (comme le recommande le Guide Topten), l’économie d’électricité sur la durée de vie de ces ampoules aurait été égale à la consommation d’électricité annuelle de tous les Parisiens.

Voici la table des performances de différents types d’ampoules :

IncandescenteHalogèneFluocompacteLED
40 W28 W9 W6 W
415 lm
440 lm
405 lm470 lm
14,6 kWh/an10,22 kWh/an3,28 kWh/an
2,19 kWh/an
100 W70 W
20 W
13 W
1 200 lm1 200 lm1 350 lm1 520 lm
36,5 kWh/an25,55 kWh/an7,30 kWh/an4,38 kWh/an

Ainsi, on peut remplacer une ampoule incandescente de 100 W par une LED équivalente de 13 W en divisant par 8,5 la consommation annuelle. En plus de cette consommation réduite, les ampoules LED collectionnent les bons points : durée de vie élevée (40 000 heures contre 10 000 pour les lampes fluocompactes et 2 000 pour les halogènes), éclairage instantané (niveau maximal dès l’allumage), fonctionnement en Très Basse Tension (TBT), légèreté, résistance aux chocs, chauffent moins que fluocompactes, ne contiennent pas de mercure, etc.

Du côté des inconvénients, on notera un prix plus élevé à l’achat (pour une durée de vie plus longue). Pour toutes ces raisons, des subventions ont été mises en place pour financer l’équipement des ménages en ampoules LED.

Le LED aurait contribué à l’accentuation de la pollution lumineuse

En dehors des habitations, l’impact positif des ampoules LED sur l’environnement est remis en cause. Si l’économie d’énergie est bien là, il s’avère qu’elle n’est pas aussi significative que prévu. Pour les spécialistes du centre de recherche géophysique de Potsdam en Allemagne, la multiplication des ampoules LED aurait même contribué à augmenter la pollution lumineuse dans le monde. La technologie LED en elle-même n’est pas dénoncée. C’est plutôt l’utilisation qu’en font les villes qui est pointée du doigt.

« Il y a un bon potentiel pour une véritable révolution de l’éclairage permettant à la fois d’économiser de l’énergie et de réduire la pollution lumineuse mais seulement si on ne consacre pas les économies réalisées à créer encore plus de lumière », précise Christopher Kyba, principal responsable des travaux scientifiques du centre allemand.

Le futur est-il ailleurs ?

L‘ampoule incandescente est morte… vive l’ampoule incandescente ? Alors même que sa production est tout simplement interdite dans l’UE depuis 2012, l’ampoule incandescente semble renaître de ses cendres. Le MIT, associé à la Purdue University, a mis au point une ampoule incandescente qui recycle l’énergie avec, pour l’heure, un rendement lumineux de 40% (contre 29% pour la plus performante des ampoules…à suivre !